Altimètres-interféromètres

La technique de radar interférométrique repose sur la mesure du retard relatif entre les observations d'un même point au sol, observé depuis deux positions légèrement différentes (dans le cas de SWOT par exemple, ces deux positions sont représentées par deux antennes de part et d'autre d'un bras). Ce retard relatif s'exprime sous forme de différence de phase qui peut être interprétée comme une mesure de hauteur géolocalisée.
Les principales limitations des radars altimètres standards pointant au nadir sont connues depuis longtemps : absence de mesures entre les traces (lacunes de 150 km pendant la phase tandem de Topex/Poséidon et Jason-1) et résolution spatiale au sol limitée (2 km pour Topex/Poséidon et Jason-1). Dans ce contexte, diverses solutions de radar interféromètre à large fauchée ont été proposées, compatibles avec les objectifs des applications océanographiques : un altimètre à large fauchée, WSOA (Wide-Swath Ocean Altimeter) avait d'abord été proposé pour être embarqué sur Jason-2, mais cette idée a été abandonnée. Le projet est aujourd'hui d'embarquer un tel système à bord de la mission SWOT. Prévue en 2021, c'est la première mission capable de réunir des objectifs à la fois océanographiques et hydrologiques.
SWOT : altimètre nadir et interféromètres
Le satellite SWOT intègre deux types d’altimètre : un altimètre « conventionnel » à double –fréquence (bandes C et Ku) qui ne fournit qu’une mesure au nadir, sur une zone restreinte (5-10 km de diamètre) le long de la trace du satellite.
Le second altimètre représente l’instrument principal: un interféromètre radar en bande Ka (KaRin). KaRin est constitué d’un bras d’une longueur de 10 m (B ou Baseline sur la figure) aux extrémités duquel sont rattachées les 2 antennes altimètres de bandes Ka (A1 et A2 sur le schéma). Ces dernières émettent des ondes à visée latérale, dans un plan situé entre 1° et 4° pour chaque antenne, offrant, de chaque côté, une fauchée observable de 50 km.
L’instrument KaRin opère selon un mode dit “Non Ping-Pong” ou bistatique: une seule des deux antennes est capable d’émettre une onde radar et les deux antennes reçoivent. La figure suivante schématise ce processus (vous pouvez afficher les images successives, en bleu et rouge, par le survol de la souris) :
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![]() Illustration du mode "Non Ping-Pong" de SWOT. Affichez successivement les images "bleue" et "rouge" en survolant l'image avec votre souris. Credits NASA/JPL, CNES. |
Le concept de la mesure interférométrique
Sur une vue schématique ci-contre, et pour chaque pixel au sol, un triangle est ainsi formé dont l’un des côtés (A1-A2) est la longueur B du bras (10 m). Les deux autres côtés représentent la distance des ondes ré-émises vers chaque antenne : r1 et r2. La mesure de la hauteur topographique est donc déduit selon :
- En premier lieu, et tout comme cette distance est déterminée avec l’altimétrie conventionnelle, la distance r1 est calculée selon le temps de trajet aller-retour entre le satellite et la surface où l’onde s’est réfléchie,
- Pour le mode « Non Ping-Pong », la différence de phase interférométrique Δφ entre les deux signaux r1 et r2 est donnée par la relation : Δφ = -2π/λ (r2-r1). Plusieurs valeurs multiples r2 sont possibles pour une même différence de phase interférométrique Δφ. Pour lever cette ambiguïté, la phase doit être « déroulée » avant d’estimer la hauteur.
- Cette différence de phase interférométrique Δφ permet de déterminer l’angle de visée (θ) selon l’équation : Δφ = kB sin (θ), où k est le nombre d’ondes électromagnétiques relatif à la longueur d’onde.
- Une fois l’angle de visée déterminé par la formule précédente, on accède à la hauteur h : h= H – r1 cos (θ).
En mode basse résolution, le processeur embarqué KaRIn génère les interférogrammes et une moyennage sur des pixels de 250mx250m à bord avant que les mesures soient descendues au sol. Ensuite, les hauteurs sont estimées lors du traitement au sol. En mode haute résolution, toutes les mesures brutes sont téléchargées au sol. Dans ce cas, l'altimétrie interférométrique permet de donner une résolution horizontale de 250 m x 250 m sur l'océan et d'environ 5 m (le long de la trace) x 10-70 m sur continent.
Le concept de la mesure interférométrique peut se schématiser selon une triangulation dont le bras B (Baseline) forme la base. H représente l’altitude du satellite par rapport à une surface de référence arbitraire, hest la hauteur de surface que l’on souhaite déterminer (par rapport à la même surface de référence). L et R représentent les mêmes points au sol, mais ré-émettant les échos retour dans deux directions respectives (antennes A1 et A2) selon les distances r1 et r2. Θ correspond à l’angle de visée.
Example of SWOT simulated data over ocean
Exemple de données SWOT simulées à partir d’un modèle de circulation global (MIT-Global Circulation Model), ré-échantilloné par le simulateur du JPL. Les données représentent la hauteur absolue de surface de la mer (en cm) dans la zone du Gulf Stream. Cette animation (ci-dessus) intègre 2 cycles de données SWOT de 21 jours soit, pour l’animation intégrale, un total de 42 jours. Des traces au sol contiguës spatialement peuvent être séparées de plusieurs jours, ce qui explique les discontinuités topographiques visibles sur la carte, tel un patchwork. Les produits à destination des utilisateurs intègreront des traitements supplémentaires (interpolation dynamique optimale) pour finir de remplir les trous de données et d’obtenir une continuité spatio-temporelles des mesures. La carte (ci-contre) représente un zoom au large du Cap Cod d’une trace au sol mettant en évidence les fauchées gauche/droite fournies par l’instrument KaRin et la marque médiane de la trace au sol beaucoup plus étroite fournie par l’altimètre nadir. Credit CNES/CLS - MIT/GCM - JPL. |
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Plus d'information :
- Liens et références sur SWOT
- J.C Souyris, OSTST 2010, Upcoming altimeter measurments: explaining interferometric SAR, pdf
- Newsletter n°10, 2004 : Observation de l'océan avec un altimètre à large fauchée, L-L. Fu et al. (pdf, 1.3 Mo).