Acqua Alta à Venise
Dans la cité des Doges, le phénomène surnommé « Acqua alta » se décrit comme toute submersion temporaire de la lagune et de certaines rues de la ville par l’eau de mer Adriatique. L’altitude moyenne de la ville bâtie sur une zone marécageuse, est de quelques décimètres seulement la rendant rapidement vulnérable à la montée des eaux et à ces inondations de plus en plus fréquentes.
Ce phénomène est la conséquence de plusieurs facteurs climatiques, météorologiques et entropiques :
- la montée globale du niveau de la mer,
- une marée lunaire de fort coefficient,
- les vents, tels le Sirocco et la Bora, qui soufflent sur l’Adriatique tendent à accumuler de l'eau dans le golfe de Venise,
- les dépressions atmosphériques qui tendent à accroître le niveau de l'eau ainsi que pour certaines acqua alta, un « effet de seiche » . Ces phénomènes météorologiques de dépressions et vents peuvent être à l'origine de la formation d'ondes de seiche et même entrer en résonnance avec l’onde de marée.
- un phénomène météorologique inaccoutumé, produisant de fortes précipitations sur les terres,
- l’intervention de l’homme qui a fragilisé la protection naturelle de la lagune,
- enfin, l’affaissement de la Cité, imputable au pompage des nappes souterraines et au compactage du sol à cause des batiments.
L'Acqua Alta de Venise en novembre 2019 mesuré par altimetrie
Les fortes élévations du niveau de la mer qui se sont produites à Venise en novembre 2019 ont été mesurées par la constellation de missions altimétriques. Les données de 5 altimètres sont actuellement traitées et calibrées en temps réel par le centre de production CMEMS / SLTAC afin de produire un ensemble homogène de produits multi-missions le long de la trace et grillés. Le 13 novembre, 3 satellites (Copernicus Sentinel3A & B et Jason-3) ont traversé la mer Adriatique, mesurant le niveau de la mer à plusieurs reprises et à différents endroits (Figure 1).
Sentinel3A a survolé l'Adriatique près de Venise à environ 10h GMT, pratiquement 1 heure seulement après la submersion maximale (voir Figure 2), et a mesuré une hauteur de mer atteignant 90 cm (Figure 3). La trace de Jason-3 est passée légèrement à l'est de Sentinel3A plus tôt dans la même journée, 5h avant la submersion maximale, et a mesuré une hauteur de mer de 51 cm, très inférieure à celle de Sentinel3A. Cette différence est bien expliquée par l'évolution rapide de la montée du niveau de la mer entre les deux passages. Enfin, la trace de Sentinel3B est passée dans la partie orientale de l’Adriatique (au large de Vieste) plus tard le même jour lorsque la dépression atmosphérique s’est affaiblie, et a mesuré une hauteur de mer de 14 cm.
La modélisation de la submersion avec le modèle opérationnel MOG2D (Figure 4 à gauche) à 13h00 le 13 décembre montre une amplification de l'élévation du niveau de la mer près des côtes, également observée avec les mesures altimétriques (Figure 3). La prévision du modèle de marée FES2014 (Figure 4 à droite) indique une amplitude de marée maximale à 9h00 le 13 décembre, ce qui est proche des mesures du marégraphe (voir Figure 2).
La ville de Venise souffre depuis longtemps des assauts de la mer.
Une vidéo montrant les applications altimétriques a été réalisée pour Jason-2, voir l'article complet ici