Doris : une précision d'orbite inférieure à 10 cm
F. Nouel, Service d'Orbitographie Doris (CNES, France)
Il était une fois... un groupe de personnes pensant que les spécifications sur l'orbite de Topex/Poséidon seraient 13.6 cm rms sur la composante radiale !
C'était un challenge, mais 6 mois après le lancement, non seulement la précision semble se situer entre 5 et 8 cm rms, mais l'exactitude pour parler en terme de métrologie est de quelques centimètres (< 5 cm).
L'effort, certes, a été important et continu. D'abord au niveau instrumental : Doris a été spécialement conçu pour cette tâche et testé en vol sur le satellite Spot-2 ; la technique laser avait fait ses preuves et peut aussi servir de contrôle par une mesure physique proche de la spécification sur la composante radiale. Enfin, un récepteur de démonstration GPS également à bord de Topex/Poséidon, donne des premiers résultats qui semblent compatibles. Encore fallait-il que les logiciels de calculs Doris respectent ces nouvelles performances et que les modèles numériques ou les stratégies de restitution d'orbites puissent permettre aux ingénieurs de se rapprocher le plus possible de la trajectoire réelle. Ce dernier point mérite un peu plus de détails.
La trajectoire peut de façon mathématique être décomposée en une partie déterministe et une partie aléatoire. Les modèles numériques les plus fins ont été développés et en particulier les modèles de potentiel terrestre : au lancement de Topex/Poséidon, le GSFC (Goddard Space Flight Center) de la Nasa et le CSR (Center for Space Research) de l'Université du Texas nous ont fourni le modèle JGM1. Des mesures Doris sur Spot-2 ont été prises en compte dans l'élaboration de JGM1. D'autres mesures Doris sur Topex/Poséidon vont venir enrichir ce modèle pour donner un nouveau potentiel terrestre JGM2 adapté. Pour les forces d'origine non gravitationnelle qui interviennent aussi dans le calcul de la trajectoire, Doris, de part la couverture importante de son réseau d'orbitographie (40 à 50 balises) apporte une information importante qui permet de jouer avec différentes stratégies sur la partie aléatoire du calcul de l'orbite de façon à suivre au mieux ce que les mesures nous permettent d'observer. Quant aux systèmes de références et en particulier les jeux de coordonnées de stations, Doris sur Spot-2 et la collocation en quelques sites privilégiés avec le laser et le VLBI, nous ont permis d'atteindre l'exactitude de quelques centimètres.
Enfin, pour les logiciels, il faut mentionner le SIP : "Software Intercomparison Plan" entre Geodyn du GSFC, Utopia du CSR et Zoom du SOD (Service d'Orbitographie Doris du Cnes). Les spécifications de ce plan étaient au niveau du millimètre et ce fut un travail long, difficile et fastidieux, mais qui permit aux équipes d'orbitographie d'être précis sur la partie déterministe.
Pour résumer, ce fut un effort important qui a été rendu possible par une coopération riche et volontaire des équipes POD (Precise Orbit Determination) franco-américaines. Coopération qui se traduit aussi par un échange des données Doris et laser, et par des comparaisons d'orbite entre les deux centres de production tout en maintenant une certaine autonomie de façon à respecter le critère statistique d'indépendance.
Le SOD produit une orbite décimétrique avec les mesures Doris environ 2 semaines après la fin d'un cycle Topex/Poséidon pour la fabrication des IGDR. Ensuite, avec en plus les mesures laser, après un examen approfondi des conditions de calcul de cette orbite préliminaire et après réception de certains paramètres physiques réellement observés comme les paramètres de rotation de la Terre ou les données d'activité solaire pour calculer la densité atmosphérique, le SOD produit et valide l'orbite la plus précise qu'il puisse calculer, pour les GDR. Un soin particulier est apporté sur la prise en compte des événements "attitude" du satellite qui jouent un rôle important dans le calcul des forces de surface et produisent des effets métriques observables avec Doris.
Divers critères de validation des résultats sont explorés de façon systématique :
- l'orbite calculée sur 10 jours avec Doris est comparée avec 10 orbites calculées sur 1 jour. L'objectif est de visualiser et de corriger tout effet à long terme mis ainsi en évidence. Mais il se peut que sur un seul jour la distribution des mesures Doris ne soit pas équirépartie en fonction du temps ; dans ce cas l'éphéméride d'un jour est moins précise que celle de 10 jours.
- avec le même logiciel Zoom, on calcule sur 10 jours une orbite Doris et une orbite laser. Ici aussi la répartition temporelle des mesures influence les résultats Cela permet cependant de concrétiser toute divergence éventuelle d'un système de mesures par rapport à l'autre.
- le comparaison de l'éphéméride Nasa/POD avec celle du Cnes/POD fait partie de nos critères externes. Ici aussi les conditions de calcul sont à prendre en compte scrupuleusement dans l'interprétation des chiffres.
Mais cela permet d'éviter la production d'une orbite de mauvaise qualité, toujours possible si un seul groupe fait les calculs.
A titre d'exemple, nous donnons un tableau (voir ci-dessous) de ces diverses comparaisons sur les 15 premiers cycles de Topex/Poséidon.
Ils correspondent à la phase de vérification et les chiffres sont susceptibles de modifications lors de la phase de production.
D'autre part, nous insistons sur le fait que ces chiffres ne sont pas homogènes, car les conditions varient d'un cycle à l'autre. Toutefois ce tableau illustre bien le fait que les spécifications initiales du projet sont remplies et que le critère de 13.6 cm rms est toujours satisfait. Cela nous permet de constituer quelques valeurs statistiques.
Suite aux journées du "Joint Verification Workshop", il apparaît que le critère rms n'est pas adéquat d'autant plus que les résultats sont meilleurs. D'autres procédures de comparaisons sont à l'étude, permettant de mieux caractériser l'erreur sur la composante radiale. Elles seront appliquées pour la phase d'exploitation et permettront d'améliorer nos informations statistiques pour l'utilisateur.
Cette chasse aux centimètres a nécessité une étroite collaboration avec nos collègues américains, mais c'est aussi le fruit d'un travail d'équipe au Cnes et, certes en oubliant quelques noms, les derniers survivants sont Muriel Deleuze, Adèle Guitart, Philippe Laudet, Alfred Piuzzi et Christophe Valorge.
Ecart-type radial en cm
Numéro de cycle | Zoom Doris 10 j. / 10 x 1 j. | Zoom Doris Zoom laser | Zoom Doris GSFC Doris + laser | Moyenne par cycle | ||
---|---|---|---|---|---|---|
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10(1) 11 12 13 14 15 Moyenne | 5.0 3.3 4.0 3.7 6.7(2) 7.4(2) 3.2 3.4 3.7 6.0(2) 3.7 3.7 3.3 4.2 4.4 | 4.5 3.0 2.6 2.2 3.4 5.5 3.5 3.8 4.3 7.6(3) 3.3 2.1 2.9 2.7 3.7 | 5.0 3.9 4.8 3.8 4.5 6.2 5.8 4.0 5.1 19.9(4) 6.4 5.2 5.9 4.9 4.8 / 8.5 | | | | | | A | | | | | | | B | | | 4.8 3.4 3.8 3.2 4.9 6.4 4.2 3.7 4.4 11.2 4.5 3.7 4.0 3.9 4.3 / 5.5 | | | | | | A | | | | | | | B | | |
sur A / sur B | sur A / sur B | |||||
Remarques : |