Désormais l'orbite de T/P produite par le Service d'Orbitographie DORIS (SOD) au CNES pour les GDRs s'appelle ELFE (Estimation par Lissage et Filtrage Empiriques). La production opérationnelle de ELFE commence au cycle 109. Afin de préserver la continuité dans la qualité des orbites fournies aux utilisateurs, les 108 premiers cycles de T/P ont été recalculés. Ils seront diffusés avec les fichiers update et retraités des GDR-Ms. Ils sont aujourd’hui accessibles via PO.DAAC.
En quoi consiste une orbite ELFE?
C'est d'abord une orbite dynamique calculée à partir des mesures DORIS et Laser avec JGM3 comme modèle de potentiel et le modèle hydrodynamique de Grenoble (FES 95.2) des marées océaniques. Ensuite, on introduit une force stochastique dans les 3 directions (radiale, le long de la trace et perpendiculaire au plan de l'orbite) sous forme d'un processus de Markov d'ordre 1. Cette force est estimée par une méthode de moindres carrés à partir des mesures DORIS et Laser. Le système DORIS , s'il n'apporte pas la diversité géométrique de GPS (constellation), possède néanmoins la précision et la couverture nécessaires à l'application de la méthode. Enfin, la "dynamique réduite" du JPL avec les données GPS est basée sur un filtrage de Kalman.
Pourquoi conserver deux orbites dans les GDRs, l'orbite dynamique JGM3 (NASA) et l'orbite dynamique réduite ELFE (CNES)?


L'expérience montre que le spectre d'erreurs spatio-temporel était comparable lorsque le CNES et la NASA produisaient l'orbite dynamique avec JGM2. Le basculement sur JGM3 a eu le succès mérité auprès des utilisateurs, mais deux produits trop similaires ne leur auraient rien apporté. ELFE permet de diversifier les spectres d'erreurs tout en restant dans une gamme de précision analogue (2 à 3 cm).
Après s'être assuré que la méthode qui conduit à l'orbite ELFE n'engendre pas de phénomènes parasites, c'est-à-dire que les accélérations estimées ont bien un comportement Markovien, les critères d'évaluation classiques, comme le rms laser ou le rms altimétrique aux points de croisement, montrent que les nouvelles orbites ELFE apportent une réelle amélioration par rapport à l'orbite dynamique produite par le SOD. De plus, le rms de l'écart radial entre deux orbites ELFE est toujours plus petit que celui des deux orbites dynamiques correspondantes. En d'autres termes, les erreurs induites par la partie déterministe de l'ajustement (dues par exemple au modèle de potentiel utilisé) se trouvent corrigés proportionnellement à leurs amplitudes par le processus stochastique ELFE. Cela peut même se manifester sur des zones à l'échelle de bassins océaniques. Par rapport à JGM2, JGM3 corrige une partie des erreurs d'orbite géographiquement corrélées sur certaines zones. Ceci est visible en comparant point à point les orbites dynamiques calculées avec JGM2 et JGM3. Hors, les corrections apportées par ELFE sur l'orbite dynamique JGM2 se situent approximativement aux mêmes endroits sur le globe terrestre, ce qui indique que la méthode ELFE corrige des erreurs géographiquement corrélées effectivement présentes dans les orbites calculées avec JGM2.
Quelles sont les améliorations essentielles entre l'orbite dynamique et l'orbite ELFE?

Partant du principe que l'orbite ELFE représente mieux la réalité, la différence entre ces deux orbites traduit le gain obtenu par ELFE. Par des techniques de traitement du signal, on sépare la valeur moyenne sur une période orbitale appelée "shift" des excursions autour de cette valeur moyenne appelées "distorsion". Le shift reste inférieur au centimètre, mais paraît corrélé géographiquement avec une certaine stabilité en position d'un cycle à l'autre. Le spectre d'amplitude de la distorsion comprend plusieurs raies autour de la fréquence orbitale dont certaines sont plus prononcées: amplitude entre 0.5 et 1 cm pour des raies à 1/rev, 1/rev +/- 1/n jours. On pense donc que ces erreurs caractéristiques ont été diminuées dans l'orbite ELFE. Ce qui reste est un bruit blanc Gaussien à bande étroite de moyenne nulle et d'écart type 0.5 cm ou moins.
Un autre test externe de qualification de l'orbite ELFE relève de la géodésie. Le SOD calcule la position moyenne sur un mois de l'ensemble des balises DORIS. Ce poste d'erreur devient critique à ce niveau de précision, car la méthode ELFE repose essentiellement sur la qualité des mesures DORIS et donc sur la position de la balise. L'examen de ces solutions mensuelles (soit 3 cycles de T/P) à la fois à partir de l'orbite dynamique et de l'orbite ELFE, montre que les résultats ELFE sont plus stables en termes de système de référence terrestre et conformes pour beaucoup de balises aux déplacements de quelques centimètres par an prévus par les modèles géophysiques.
Les commentaires ou analyses océanographiques à partir de l'orbite ELFE sont bienvenus et souhaités par l'ensemble du Service d'Orbitographie DORIS , en particulier par Béatrice Barotto et Jean-Paul Berthias qui ont contribué au développement de la méthode ELFE.
Bibliographie :
- Barotto B., J.P. Berthias, First results of Reduced Dynamics with DORIS on TOPEX/POSEIDON and SPOT. A paraître dans le Journal of Guidance and Control (1996).
- Barotto B., Thèse de l'Université Paul Sabatier, Toulouse (1995).