Si les données de TOPEX/POSEIDON (T/P) sont uniques pour étudier les variations climatiques des courants, elles sont aussi utiles à l'étude de la variabilité mésoéchelle car elles sont moins bruitées et échantillonées plus fréquemment et sur une plus longue durée que les autres données altimétriques.
Nous avons analysé la variation saisonnière de la variabilité du niveau de la mer par périodes de 3 mois (Décembre-Janvier-Février des années 1993, 1994 et 1995). Le calcul a été fait à partir de données “améliorées” (orbites JGM3, dernier modèle de marées océaniques, nouveau biais d'état de mer, etc... (voir Minster et al., 1995)). La correction de géoïde doit être appliquée pour ce type d'analyse. La variabilité a été calculée par rapport à la moyenne sur la saison considérée, ce qui filtre le signal saisonnier de hauteur stérique. La variabilité moyenne globale est de 8,1 cm rms en hiver et en été et de 7,7 cm rms aux intersaisons. La carte du signal de variabilité mésoéchelle, bien connue grâce à GEOSAT, est confirmée dans ses détails par les observations de T/P (cf. figure 1). Elle révèle l'importance de l'instabilité des forts courants.
Figure 1 : Carte de la variabilité du niveau de la mer pour les mois de Décembre-Janvier- Février (D-J-F) de 1993-1994-1995.
Nous avons calculé les rapports des variances saisonnières par rapport aux mois D-J-F. La figure 2 montre la carte du rapport J-J-A / D-J-F (J-J-A = Juin, Juillet, Aout, D-J-F = Décembre, Janvier, Février), qui ressemble qualitativement aux deux autres. Aux latitudes supérieures à 40 , la variance du signal est presque partout plus grande d'environ 30% en hiver. C'est aussi le cas en Méditerranée. Les exceptions marquantes sont la bande du courant Antarctique Circumpolaire vers 40 à 50 S, et l'Atlantique sud et nord entre 40 et 50 de latitude. Au contraire, dans les deux hémisphères, la variance du signal est maximale en été près de courants de bord ouest et dans leurs zones de recirculation. Dans les tropiques, on détecte les effets attendus (tourbillons des Somalies en mer d'Arabie; contre-courant nord- équatorial dans l'océan Pacifique). Cette variation saisonnière de la variabilité mésoéchelle confirme les résultats de GEOSAT (Zlotnicki et al., 1989) mais avec un meilleur échantillonage. Elle doit permettre de mieux comprendre ce qui excite la variabilité des courants. Sans faire une analyse quantitative, la figure 2 suggère des mécanismes différents suivant les régions.
Figure 2 : Rapport des variances du niveau de la mer pour les mois de Juin-Juillet-Août (J-J-A), par rapport aux mois de Décembre-Janvier-Février (DJF).
Le calcul n'a pas été fait dans les zones de faible signal (en grisé).
Dans les zones de hautes latitudes, la variabilité mésoéchelle pourrait être affectée par les fluctuations du vent. Ces dernières montrent une variance plus grande en hiver qu'en été à toutes les latitudes supérieures à 20 , sauf dans les cinquantièmes. Cependant, elles ne sont importantes qu'en hiver et aux latitudes supérieures à 40 , où elles dépassent 3,5 m/s rms (cf. figure 3). Selon Frankignoul et Müller (1979), ces fluctuations stochastiques du vent sont susceptibles d'induire des tourbillons, qui doivent être principalement barotropes (Willebrandt et al., 1980) . Ceux-ci doivent se traduire par de faibles variations du niveau de la mer, qu'on ne peut espérer voir que dans les zones de faible énergie mésoéchelle.
Figure 3 : Variabilité du vent échantillonné par T/P au cours des mois de Juin-Juillet-Août (J-J-A).
Le fait que la variabilité mésoéchelle varie peu avec les saisons dans les zones de forts courants n'est pas surprenante, puisqu'il est très difficile de modifier significativement la variance élevée du signal de ces régions. Par contre, le fait que la variance soit plus élevée en été dans les gyres subtropicaux est plus étonnant. On s'attend à ce que ces tourbillons mésoéchelles résultent de la propagation d'instabilités baroclines à partir des courants de bord ouest. Cette variation saisonnière traduit peut-être la dissipation d'une énergie potentielle plus élevée en été dans ces courants (dans le cas du Gulf Stream, les transports du jet et de sa recirculation sud sont en effet plus importants en été, d'après Rogel, 1995). Elle peut aussi résulter d'un effet de gradient méridien de vorticité potentielle, qui est plus fort en été par suite du développement de la pycnocline (Strass et al., 1992).
Bibliographie:
- Minster J-F., C. Brossier, Variation of the mean sea level level from TOPEX/POSEIDON data, J. Geophys. Res., 100, sous press (1995).
- Rogel P., Thèse de l'Université Paul Sabatier, Toulouse, France, 204 pp (1995).
- Strass V., H. Leach, J.D. Woods,. Deep-Sea Res., 39, 1627-1639 (1992).
- Willebrandt J., S.G.H. Philander, R.C. Pacanowski,. J. Phys. Oceanogr., 10, 411-429 (1980).
- Zlotnicki V., L. Fu, W. Patzert,. J. Geophys. Res., 94, 17,959-17,969 (1989).