Cycles annuels des données ATSR de température de surface et des données TOPEX/POSEIDON de hauteur de mer
Per Knudsen, Ole Baltazar Andersen, Thomas Knudsen (Kort & Matrikelstyrelsen, Danemark)
Nous avons effectué une analyse globale de la température de surface des océans et en particulier du cycle annuel à partir des données du radiomètre ATSR ("Along Track Scanning Radiometer") embarqué sur le satellite ERS-1 et nous avons comparé les résultats avec le cycle annuel des anomalies du niveau de la mer, observé sur la même période par le satellite altimétrique TOPEX/POSEIDON.
Introduction
L'instrument radiomètre ATSR permet d'obtenir des images de la température de surface de la mer avec une résolution de 1 km, une largeur de bande de 500 km et une précision relative de 0,1 K et des températures de surface avec une précision absolue supérieur à 0,5 K et une résolution spatiale de 50 km, dans des conditions où la couverture nuageuse n'atteint pas 80% [ESA, 1992].
L'ATSR utilise des bandes spectrales très similaires à celles utilisées sur les nouveaux satellites NOAA, mais avec une précision nettement supérieure. Les premières validations sur les données ATSR montrent que celles-ci concordent avec une précision objective de 0,5 K [Forrester et al. 1993]. En outre, Barton et al. [1994] ont démontré, par comparaison à des mesures in situ, le gain sur la précision entre les données ATSR et AVHRR de température de surface.
Dans cette étude, les données ATSR - ERS-1 basse résolution sont analysées en vue d'extraire les caractéristiques spatiales et temporelles du cycle annuel de la température de surface. Enfin, la variabilité saisonnière estimée est comparée avec la variabilité saisonnière de hauteur de mer issue de la mission TOPEX/POSEIDON (désigné ci-après T/P).
Le traitement des données ATSR et T/P
La résolution de 50 km, ou plus précisément les températures moyennes échelonnées tous les 0,5° entre août 1993 et mai 1996, sont utilisées. Sur une période de 3 jours, associées à une largeur de bande de 500 km, les observations ATSR assurent une couverture presque mondiale. Malheureusement, le capteur de 3,7 µm est tombé en panne en mai 1992 [Llewellyn-Jones, 1994], et certaines données nocturnes erronées n'ont pu être détectées.
Une cause typique d'erreur est le brouillard ; les températures sont sous-estimées d'environ 5-12 K [Jones et al., 1995]. Il est donc nécessaire de mettre en place un procédé de détection de données erronnées. Un tel procédé élimine une observation si la température s'écarte de la moyenne locale et de la variation annuelle d'une valeur correspondant à trois fois l'écart-type. On notera que les critères de sélection ("editing") sont calculés en utilisant uniquement les données diurnes (Knudsen et al., 1996).
Nous avons calculé la moyenne des données ATSR de température de surface par cellule d'un degré de latitude et de deux degrés de longitude, et dans des intervalles de temps correspondant aux cycles à 10 jours de la mission T/P. Puis, nous avons calculé les anomalies de température de surface par élimination de la température moyenne des différentes cellules.
Les anomalies de hauteur de mer sont obtenues pour la même période que les données ATSR, à partir des données altimétriques de la mission spatiale T/P. Outre les corrections classiques (erreurs instrumentales, biais électromagnétiques, effets de ionosphère, troposphère humide et troposphère sèche), les données altimétriques ont été corrigées de l'effet de baromètre inverse [Callahan, 1993], ce afin d'éviter les effets des changements saisonniers de la pression atmosphérique. Les données ont aussi été corrigées des marées océaniques, terrestres et polaires. L'orbite précise est basée sur le modèle de CHAMP de gravité JGM-3, les derniers modèles de force et de marée océanique (UT/CSR 3,0). Enfin, les anomalies de hauteur de mer sont obtenues par une méthode similaire à celle utilisée pour les données ATSR.
Les caractéristiques des cycles annuels
Des cartes mondiales représentant les amplitudes et les phases du cycle annuel de la température de surface sont données en figure 1 (A & B). Comme le montre la figure 1A, les amplitudes du signal annuel sont maximales dans la bande des latitudes de 25°N à 50°N. Au large des côtes orientales des continents, où l'air continental est déplacé vers l'est par les vents dominants d'ouest, on trouve des amplitudes maximales de 6-7°C. Des valeurs similaires sont observées en mer Méditerranée.
Les amplitudes maximales dans l'hémisphère sud sont observées entre les latitudes 30°S et 40°S où l'on enregistre des valeurs comprises entre 2-4°C.
Les phases du cycle annuel de la température de surface (figure 1B) sont généralement déplacées de 180° d'une hémisphère à l'autre :
dans chaque hémisphère, les températures de surface atteignent un maximum après le réchauffement estival. Dans l'hémisphère nord, les températures maximales sont observées fin août - début septembre alors que, dans l'hémisphère sud, elles sont observées entre fin février et début mars. Au large des côtes orientales des continents, les phases sont légèrement plus faibles que plus à l'est. Une étude détaillée des phases aux latitudes moyennes, dans l'océan Pacifique nord, montre que la phase change d'environ 20 jours de la fin août à mi-septembre en allant vers l'est, de la côte du Japon au centre du Pacifique. Un changement de phase similaire, quoique plus faible, est observé dans l'océan Atlantique nord.
Le cycle annuel des anomalies du niveau de la mer est présenté en figure 2 (A & B). Ses caractéristiques sont tout à fait comparables à celles faites lors de précentes études sur des données altimétriques satellitales [e.g. Knudsen, 1994 ; Zlotnicki et al., 1989]. Dans les deux bandes de latitudes moyennes, les amplitudes (figure 2A) varient de la même manière que les amplitudes du cycle annuel de la température de surface. C'est au large des côtes orientales des continents de l'hémisphère nord que l'on observe les amplitudes les plus élevées (9-11 cm). Dans l'hémisphère sud, les plus grandes amplitudes (4-5 cm) sont enregistrées entre 30° et 40° de latitude sud. On notera que ce maximum est situé légèrement plus au sud que celui de la température de surface.
Les phases du cycle annuel des anomalies du niveau de la mer (figure 2B) dans les deux bandes de latitudes moyennes présentent un décalage d'un peu plus d'un mois par rapport aux phases du cycle annuel de la température de surface.
En outre, les valeurs élevées des anomalies du niveau de la mer au large des côtes est paraissent atteindre leur maximum sensiblement plus tôt que plus à l'est au milieu des océans. Aux latitudes moyennes, tant dans l'océan Pacifique nord que l'océan Atlantique nord, les changements de phase se produisent de fin septembre à début octobre.
Dans les régions équatoriales, le signal annuel des anomalies du niveau de la mer présente plus de variabilité que le cycle annuel de la température de surface. Ici le changement de hauteur du niveau de la mer dépend davantage des variations saisonnières des vents [voir par exemple, Gill and Niiler, 1973 ; Knudsen, 1994].
En moyenne, dans la bande de latitudes moyennes de l'hémisphère nord (25°N-50°N), les amplitudes du cycle annuel sont de 4,5°C pour la température de surface et de 4,9 cm pour les anomalies du niveau de la mer. Les phases sont de 7,7 et 8,9 mois, respectivement. Le rapport d'amplitude est d'environ 1,1 cm/°C et les phases sont décalées de 1,2 mois. Dans la bande de latitudes moyennes de l'hémisphère sud (25°S-50°S), les amplitudes du cycle annuel sont de 2,5°C pour la température de surface et de 2,7 cm pour les anomalies du niveau de la mer. Les phases sont de 1,9 et 2,8 mois, respectivement.
Ici aussi, le rapport d'amplitude est d'environ 1,1 cm/°C, comme dans la bande de latitudes nord et les phases sont décalées de 0,9 mois.
Les valeurs de la température de surface concordent remarquablement bien avec celles de Shea et al. [1991] qui observent des températures de surface maximales dans l'hémisphère nord fin août à début septembre, ce qui correspond à une phase de 8 mois. Dans l'hémisphère sud, Shea et al. trouvent un maximum de température de surface à la fin février, ce qui correspond à une phase voisine de 2 mois.
Conclusion
Nous avons effectué une analyse globale du cycle saisonnier de température de surface et nous l'avons comparée avec le cycle saisonnier de la variabilité de la hauteur du niveau de la mer observée par la mission T/P. Aux latitudes moyennes, en considérant une différence de phase d'environ un mois, la corrélation est très forte. La corrélation est faible dans les régions équatoriales où la variabilité du niveau de la mer est davantage liée au vent. En outre, pour des échelles spatiale et temporelle plus courtes, les données ATSR devraient fournir des informations importantes sur la dynamique des océans [Jones et al., 1995]. Une telle analyse a été présentée précédemment, en utilisant les données altimétriques Geosat et les données AVHRR par Vasquez et al. [1990].
Remerciements
Cette analyse fait partie d'un projet financé par le Danish Space Board. Les auteurs remercient ESA/ESRIN pour les données ATSR. D. Chambers, CSR, Université du Texas à Austin a étudié les anomalies du niveau de la mer T/P.
Bibliographie
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