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Calibration altimétrique absolue en Corse

P. Exertier, P. Bonnefond, O. Laurain, F. Barlier (OCA/CERGA, France), Y. Ménard (CNES, France), E. Jeansou (NOVELTIS, France), A. Orsoni (IGN, France), B. Haines (NASA/JPL, USA), D. Kubitschek, G. Born (CCAR, USA)

Le double site Corse d'Aspretto (Ajaccio) et du cap de Sénétosa, en tant que site de calibration absolue, a été choisi fin 1996 pour sa facilité d'accès notamment pour la station laser ultra mobile. Dans l'objectif de la mission Jason-1, ce site a été amélioré par plusieurs campagnes géodésiques visant à porter le bilan d'erreur vertical au niveau centimétrique. En mesurant notamment la pente du géoïde marin proche des marégraphes, grâce à une expérience de bouées GPS menée en 1998, et en calculant les orbites à partir de la méthode d'arcs courts basée sur les données de télémétrie laser, la valeur de la calibration de TOPEX obtenue sur 14 cycles (de juin à novembre 1998) s'établit à +3.5 ± 14.0 mm (AVISO GDR-M, orbites CNES).

La calibration absolue d'un radar altimétrique a été utilisée dans le passé pour ERS-1 à Venise, POSEIDON à Lampedusa, et TOPEX à Harvest [Ménard et al., 1994]. Ces "expériences classiques" se sont révélées très lourdes à mettre en œuvre, compte tenu de l'éloignement des sites et de la complexité due à la concentration de plusieurs techniques : spatiale, géodésique et marégraphique. Aujourd'hui, seul le maintien de l'expérience d'Harvest sur une grande période de temps a permis d'aboutir à un suivi régulier et permanent de la calibration absolue, c'est-à-dire de la mesure du niveau moyen de la mer par deux techniques dans le même système de référence : l'altimétrie radar et l'orbitographie d'une part, la géodésie et la marégraphie d'autre part. Les incertitudes fournies à court et long termes par plus de 200 cycles de données acquises sur ce site sont de l'ordre de quelques centimètres et de quelques mm/an respectivement [Haines et al., 1998].

D'autres techniques de calibration ont été développées, en tentant de s'affranchir des incertitudes liées, dans la technique classique, au mouvement vertical inconnu du ou des marégraphes au niveau de quelques mm/an (tectonique,...), et en tentant aussi il est vrai de diminuer des coûts très élevés. Ces techniques se caractérisent essentiellement par l'utilisation de bouées, à caractère géodésique ou océanographique [Born et al., 1994 ; Chambers et al., 1998].

Dans tous les cas d'expérience cependant, la possibilité de décorréler la dérive de l'instrument altimétrique et de ses équipements annexes (radiomètre à vapeur d'eau notamment) de la variation à long terme du niveau moyen de la mer est recherchée au niveau de 1 mm/an ou moins. La multiplicité des sites de calibration absolue dans le monde, ainsi que la multiplicité des techniques de calibration, sont d'un grand intérêt pour le suivi des performances des missions d'altimétrie spatiale à ce niveau de précision, chaque site et chaque technique ayant ses propres erreurs systématiques. En outre, l'extension de ces notions, qui visent à mieux établir le positionnement vertical permanent de sites marégraphiques intéressant l'altimétrie, soit avec GPS soit avec DORIS (e.g., [Soudarin et al., 1999]), a aussi un rôle majeur pour la réalisation d'un repère de référence vertical homogène et identique pour plusieurs missions d'océanographie avec un objectif de stabilité de l'ordre de 1 mm/an.

Dans ce contexte et pour les missions d'océanographie spatiale à venir (Jason-1 et EnviSat), nous avons développé un site à caractère semi-permanent, dont les coûts d'installation et de suivi dans le temps sont les plus faibles possible. Il s'agit d'un double site en Corse, qui peut accueillir la station laser ultra mobile française (FTLRS) pour les passages de calibration, et sur lequel nous avons prévu des équipements permanents ainsi que des campagnes géodésiques régulières [Bonnefond et al., 1997 ; Barlier et al., 1998]. Parmi ces travaux, une double expérience de "bouées GPS" nous a permis de mesurer la pente du géoïde sous la trace locale de TOPEX/POSEIDON (T/P) de façon à s'affranchir des principales incertitudes dans le rattachement des données altimétriques aux données des marégraphes.

Le site Corse

Compte tenu des différents critères, de précision et de coût, il n'a pas été possible de choisir un site off-shore en Méditerranée, du type d'une petite île ou d'une plate-forme, très proche d'une trace ou d'un ensemble de traces de satellites altimétriques. Nous avons choisi un double site en Corse : à Aspretto (proche d'Ajaccio) pour l'installation d'instruments de géodésie permanents, dont la station laser ultra mobile à titre semi-permanent, ainsi qu'au Cap de Sénétosa (Propriano, 40 km au sud d'Ajaccio) pour l'installation de marégraphes et de points géodésiques de référence.

Le premier site est situé sur une base navale et sera équipé au cours de 1999 d'un récepteur GPS et d'un marégraphe côtier numérique permanents, respectivement par l'Institut Géographique National et le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine. Nous avons montré, à l'aide de la station laser ultra mobile utilisée pendant 4 mois sur ce site [Barlier et al., 1998], qu'il convenait très bien à l'acquisition de mesures de poursuite laser quasi zénitales sur T/P et ERS, en complément de celles acquises par le réseau laser européen. Nous avons montré aussi que ce type de mesures conduisaient à une réduction potentielle de l'erreur d'orbite radiale au niveau de 1 cm et même moins localement, grâce à une méthode géométrique d'ajustement par arcs courts basée sur les données de télémétrie laser [Bonnefond et al., 1995 ; Bonnefond et al., 1999]. La station FTLRS sera réinstallée sur ce site à partir d'avril-mai 2000, pour la phase de validation de Jason-1. Le second site, au Cap de Sénétosa, est survolé exactement par le passage ascendant de T/P numéro 85 ; il est équipé de trois marégraphes à capteur de pression (ANDERAA) installés par le CNES et l'OCA/CERGA depuis fin 1996. Il sera équipé d'une station météorologique en 1999.

Les difficultés, les limites

La première difficulté rencontrée dans cette expérience de calibration absolue est liée à l'évaluation de la pente du géoïde sous la trace de l'altimètre aux environs du marégraphe. Ce dernier étant installé sur une île de grande taille dans notre cas, les mesures altimétriques sont donc plus fortement perturbées à l'approche de la côte qu'à l'approche d'une plate-forme off-shore par exemple. D'une part l'altimètre ne voit plus exactement un signal océanique pur, d'autre part le radiomètre à vapeur d'eau embarqué, qui est strictement nécessaire à la correction de propagation du signal altimétrique (distance radar), voit un changement brutal de la valeur de l'humidité. Pour ces raisons, la précision des mesures altimétriques diminuent fortement, de 3 cm à 5-7 cm (Figure 1), et l'on doit donc arrêter les mesures à environ 5-10 km du marégraphe. Or, la hauteur du géoïde peut varier sur cette distance, en particulier en Corse où sa pente peut atteindre quelques cm par km. En outre, il peut y avoir sur cette même distance des effets océanographiques locaux qui introduisent momentanément des distorsions dans les hauteurs de mer mesurées par les marégraphes et par l'altimètre.

Figure 1 : Configuration de l'expérience de calibration altimétrique absolue à Senetosa (Corse du sud). Exemple sur le cycle 211, avec les données des 3 marégraphes.

 

La seconde difficulté provient de l'erreur d'orbite du satellite altimétrique, et plus particulièrement de l'erreur radiale d'orbite constante au-dessus du site. Sans détermination géométrique d'orbite, la part de cette erreur provenant du champ de gravité est en effet insoupçonnable dans les éphémérides dynamiques précises fournies par le projet (CNES et NASA). En cela, la présence d'une station de télémétrie laser sous la trace de l'altimètre ou très proche, et avec l'aide d'un réseau continental, est un moyen très puissant pour réduire l'erreur radiale d'orbite au moment des passages de calibration, à condition toutefois de connaître les coordonnées de la station avec suffisamment de précision (de l'ordre de 5 mm sur l'altitude) et dans le même repère de référence que celui utilisé pour le système spatial [Bonnefond et al., 1999].

Le site d'Aspretto a été testé en 1996-97 grâce à une campagne probatoire d'environ 4 mois impliquant la station FTLRS. La période de temps, relativement courte à l’échelle d'un cycle de 10 jours, a impliqué relativement peu de passages de calibration observés par la station laser. En outre, la calibration a été affectée par la présence de systématismes (plusieurs cm) liés essentiellement à la méconnaissance du géoïde sur le site du Cap de Sénétosa. Pour ces raisons, nous avons engagé des campagnes géodésiques en 1998 et 1999.

Les améliorations effectuées

Le principal objectif de la campagne géodésique de 1998 a été d'améliorer le budget d'erreur vertical de l'expérience de calibration absolue en préparation de la mission Jason-1. Les rattachements par GPS et les nivellements, entre les points géodésiques locaux et les marégraphes au Cap de Sénétosa, ont été mesurés et contrôlés. Les données des 3 marégraphes y ont été accumulées à la fréquence d'un point par 5 min depuis cette date. Enfin, une expérience de bouées équipées de récepteurs GPS a été conçue puis réalisée de façon à mesurer la pente du quasi géoïde marin.

Le principe de cette expérience de bouées est de tenter de modéliser la forme de la surface moyenne de la mer sous la trace du satellite et sur environ 10 km depuis la côte. Le but est d'obtenir un profil moyen dont les hauteurs de mer sont interprétables quelque soit le cycle utilisé, contrairement à une expérience qui viserait à niveler la surface instantanée de la mer au moment d'un passage de calibration [Born et al., 1994]. Les principales sources de limitation, outre les problèmes d'infrastructure et d'état de mer (météorologie) au moment du déploiement des bouées GPS, sont liées d'une part aux différentes corrections à apporter aux mesures de hauteur de mer instantanée et d'autre part à l'interprétation de ces mesures par rapport aux données marégraphiques puis par rapport aux données altimétriques.

Les sessions GPS ont été effectuées en "bouées libres" en doublant à chaque fois les mesures à l'aide de deux récepteurs (Turbo-Rogue et Ashtech), deux bouées (prêtées par le CCAR , Boulder) et leurs antennes respectives. Ces sessions ont été effectuées en différentiel depuis les points géodésiques situés sur la côte. De plus, plusieurs sessions ont été effectuées une seconde fois avec un autre couple de récepteurs (Turbo-Rogue et Sercel) à titre de tests. La campagne a permis de réaliser une trentaine de stationnements en mer, dont 6 points directement au-dessus des marégraphes et dont des points jusqu'à 10 km au large sous la trace de T/P.

Résultats

Les logiciels utilisés pour le traitement des données GPS sont : Prism-Pnav vers. 2.4 (Ashtech), 3Spack (Sercel, DSPN) et Gipsy/Oasis II (JPL). Les différences de hauteurs de mer GPS filtrées à 60 sec [Vondrak, 1977], suivant les récepteurs et suivant les logiciels, s’établissent en moyenne à 0.2-0.8 cm avec des sigma de 1-2 cm. Les différences de hauteurs de mer entre GPS et les données des 3 marégraphes s’établissent en moyenne à 1.8-0.6 cm avec des sigma de 1 cm (Figure 2). L'ensemble de ces données a permis de reconstruire une surface moyenne d'un gradient de 6 cm/km le long de la trace de T/P et jusqu’à 5 cm sur 3 km perpendiculairement. (Figure 1).

Pour les passages de calibration 209 à 225, la comparaison des hauteurs de mer issues des données altimétriques au 1/10 de seconde corrigées (CD-ROM AVISO) et des orbites JGM-3 ELFE (CNES), avec les hauteurs de mer issues des données marégraphiques aux mêmes instants donne une valeur moyenne de calibration de –20.5 ± 14.0 mm. D'un autre côté, nous avons pu appliquer la méthode d'arcs courts, basée sur les données de télémétrie laser du réseau européen, pour améliorer l'orbite locale ELFE-CNES de T/P au-dessus du site. Sur 6 ans d'orbite, l'erreur d'orbite radiale systématique de la trace 85 s’établit à +24.0 ± 5.0 mm en moyenne. Les calculs ayant été effectués dans le même repère de référence terrestre, ceci nous amène à une valeur de calibration de +3.5 ± 15.0 mm pour la date 1998.7. Cependant, dû aux différences radiales d'orbite constatées sur les derniers cycles entre les orbites CNES et NASA, ce résultat peut varier de quelques mm, ce qui montre que le bilan d'erreur d'orbite doit être encore amélioré dans l'objectif de la calibration de Jason-1.

En conclusion, le site de calibration du Cap de Sénétosa est aujourd'hui en mesure de fournir une valeur sûre du biais de calibration de l'altimètre T/P. La campagne géodésique menée en 1998 a permis de lever les incertitudes sur les hauteurs du géoïde et a également permis de tester plusieurs équipements et logiciels GPS. Une extension de la mesure du quasi géoïde marin a été réalisée lors d'une campagne menée en 1999, pour fournir des points de recouvrement du profil altimétrique jusqu’à 20 km. Dans le même temps, le site d'Aspretto continue de s’équiper en 1999, afin d'améliorer le suivi du positionnement du point de référence de l’île. Ceci sera particulièrement utile au déploiement de la station laser ultra mobile en 2000 sur ce site, lors de la phase de validation de Jason-1. Le rôle de cette technique de poursuite de satellites est en effet prépondérant dans cette expérience de calibration absolue, eu égard aux incertitudes relevées dans la détermination d'orbite.

Références:

  • Barlier, F., P  Exertier, P. Bonnefond, 1998: Regional Validation in the Mediterranean, Aviso NewsLetter, 6, CNES-NASA, pp. 12-13.
  • Bonnefond, P., P. Exertier, P. Schaeffer, S. Bruinsma and F. Barlier, 1995: Satellite Altimetry From a Short-Arc Orbit Technique: Application to the Mediterranean, J. Geophys. Res., 100 (C12), 25365-25382.
  • Bonnefond, P., P. Exertier, Y. Ménard, E. Jeansou, G. Manzella, S. Sparnocchia, F. Barlier, 1997: Calibration of Radar Altimeters and Validation of Orbit Determination in the Corsica-Capraia Area, Proceedings of the 3rd ERS Symposium, Mar 17-21, Florence, Italy.
  • Bonnefond, P., P. Exertier, F. Barlier, 1999: Geographically correlated orbit errors determined from a Laser-based Short-Arc Technique, J. Geophys. Res. (in press).
  • Born, G.H., M.E. Parke, P. Axelrad, K.L. Gold, J. Johnson, K.W. Key, D.G. Kubitschek, 1994: Calibration of the TOPEX altimeter using a GPS buoy, J. Geophys. Res., 99 (C12), 24517-24526.
  • Chambers, D.P., J.C. Ries, C.K. Shum, B.D. Tapley, 1998: On the use of tide gauges to determine altimeter drift, , J. Geophys. Res., 103 (C6), 12885-12890
  • Haines, B. et al., 1998: SWT TOPEX/POSEIDON – Jason-1, Keystone, CO, Oct. 1998.
  • Ménard, Y., E. Jeansou, P. Vincent, 1994: Calibration of the TOPEX/POSEIDON altimeters at Lampedusa: Additional results at Harvest, J. Geophys. Res., 99 (C12), 24487-24504.
  • Soudarin, L., J.F. Crétaux, A. Cazenave, 1999: Vertical crustal motions from the DORIS space-geodesy system, Geophys. Res. Lett. (in press).
  • Vondrak, J., 1977: Problem of smoothing observational data, Bull. Astron. Inst. Czech, 28, pp. 84-89.
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