Les filaments aident à comprendre une prolifération d'algues toxiques

Les régions océaniques à forte productivité peuvent également être des zones sensibles aux proliférations d'algues toxiques. Pour comprendre les proliférations d'algues en général ("blooms"), et de celles qui sont toxiques en particulier, il faut se pencher sur les dynamiques biologique et physique de la région, en utilisant un grand nombre d'observations et de moyens de mesure différents.
Le plateau continental de Patagonie, dans l'océan Atlantique, possède des eaux riches en nutriments où des proliférations massives de phytoplancton se produisent souvent, en particulier le long du système frontal du bord du plateau. Deux campagnes océanographiques organisées par des chercheurs du Conicet (Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas, Argentine) au printemps 2021 ont détecté, à 10 jours d'intervalle, une prolifération de dinoflagellés (famille des Amphidomataceae), un groupe de plancton producteur de toxines, à des stations distantes de 40 km, sur le plateau extérieur. Cela pourrait être dû soit à une grande plaque restant dans la zone, soit à une plaque plus petite se déplaçant d'une station à l'autre. Une autre question était de savoir si elle pouvait atteindre les zones côtières, être transportée et dispersée dans le courant des Malouines, et quels étaient les mécanismes à l'origine d'une prolifération aussi importante à cet endroit. 

Les exposants de Lyapunov de taille finie (FSLE) et l'advection lagrangienne des particules virtuelles, tous deux issus des données altimétriques, ont été utilisés pour comprendre les mécanismes physiques de la concentration d'algues toxiques.
Les cartes de FSLE sur la zone d'étude montrent une situation complexe et mettent en évidence l'agitation et l'hétérogénéité des eaux océaniques.
Dans la zone où la prolifération d'algues nocives a été échantillonnée, les cartes de FSLE ne montrent aucun front à méso-échelle séparant les deux stations de mesure pendant la période de 10 jours entre les croisières. Les deux stations sont restées dans la même masse d'eau délimitée par deux FSLE à valeurs négatives (les "crêtes"). Les FSLE négatives correspondent à une divergence transversale aux filaments (voir Image du mois, septembre 2018 : Une bouée piégée dans les filaments). Cela a maintenu les deux stations dans la même masse d'eau pendant la période entre les deux échantillonnages, expliquant ainsi la persistance de la prolifération à cet endroit.

L'altimétrie a donc permis d'évaluer que la circulation à méso-échelle sur le plateau patagonien empêchait la dispersion d'une prolifération d'algues nocives. Ceci pourrait être utilisé pour surveiller ces proliférations et leur dynamique.
Le prélèvement d'un plus grand nombre d'échantillons, en suivant les masses d'eau, pourrait également fournir des informations importantes sur la dynamique d'une telle prolifération massive d'algues au large des côtes. L'étude des processus sub-mésoéchelle devrait également apporter des informations supplémentaires pour comprendre la divergence, la convergence et le mélange du plancton et des nutriments au sein des masses d'eau et entre elles. Swot rend cela possible pour de futurs événements.