Un suivi d'éléphant de mer superposé à une carte de FSLE. L'échelle de couleur montre, à gauche l'indicateur de "quasi-planctonicité" (QPI), qui identifie le degré de similitude entre la trajectoire d'un animal et celle d'un flotteur dérivant (les plus basses valeurs correspondant à un animal se comportant comme un flotteur, les plus hautes qu'il se meut lui-même). Chaque point correspond à une localisation GPS quotidienne. À droite, le taux de tentatives de capture mesuré en utilisant un accéléromètre (l'éléphant de mer bougeant plus vite quand il tente de capturer une proie). L'échelle de couleur est ici inversée pour mieux faire ressortir que les plus bas QPI correspondent à un plus fort taux de tentative de captures. Dans la plupart des cas, un QPI bas va avec un fort taux de captures. (Crédits LOcéan/CEBC)
Le phytoplancton, équivalent marin de la végétation terrestre - à part qu'il est constitué de micro-organismes flottants - n'est pas fixé à un endroit donné. Avec le zooplancton, ces organismes sont transportés et redistribués par les courants. Leurs distributinos peuvent varier sur des échelles de plusieurs dizaines de kilomètres en quelques jours. Les prédateurs marins tels que les manchots, les poissons pélagiques (c'est à dire vivant en haute mer) et les mammifères marins doivent trouver leurs proies dans ce paysage dynamique qui se modifie pendant même qu'ils recherchent leur nourriture.
Ceci dit, les mouvements de l'océan ne sont pas aléatoires : des caractéristiques dynamiques comme les fronts et les tourbillons constituent le squelette qui structure la couche superficielle de l'océan dans des régions de propriétés physiques, biogéochimiques et écologiques différentes. Ce squelette dynamique et ses effets sur tout ce qui dérive peut être estimé par des analyses de l'altimétrie, qui fournit les courants océaniques et leur évolution temporelle jusqu'à des échelles de 10 à 100 km, sur des semaines à des mois. Ainsi, le paysage dynamique qu'explore les prédateurs marins peut être étudié.
Des études récentes ont montré que les fronts et tourbillons peuvent influencer le parcours des animaux les plus gros comme les éléphants de mer et les manchots quand ils cherchent leur nourriture. On pensait que des nageurs rapides comme eux se dirigeaient vers ce type de structures, et les explorait ensuite activement. Cependant, une étude combinant des données de bio-logging d'éléphants de mer austraux et des observations altimétriques a révélé que quand ils cherchent le plus activement leur nourriture, les prédateurs sont aussi entraînés par les courants océaniques. Ce comportement "quasi-planctonique" peut être compris en imaginant qu'un prédateur qui a trouvé une zone propice concentrera ses efforts de nage sur la plongée, et restera donc avec la même masse d'eau, dérivant avec elle. Ce comportement a été observé sur les crêtes des exposants finis de Lyapunov (Finite Size Lyapunov Exponents (FSLE)), un indicateur utilisé pour identifier la périphérie des fronts et des tourbillons, ce qui suggère que ces structures sont riches en proies.
Ces résultats laissent penser qu'il est possible d'estimer la localisation de régions nourricières pour les prédateurs en utilisant les calculs de transports basés sur l'altimétrie. cette approche peut être un outil complémentaire pour identifier les régions les plus importantes d'un point de vue écologique, et aider à la définition d'aires marines protégées en plein océan. Développer des méthodes satellitaires pour l'identification de structures physiques d'intérêt écologique est en effet un besoin urgent, dans le cadre de l'extension des réserves naturelles depuis les eaux territoriales jusqu'au large.
Voir aussi :
- Données : Finite-Size Lyapunov Exponent
- Applications : Circulation mésoéchelle
- Applications : Biologie
Autres sites sur ce thème :
- Projet éducatif Argonautica du Cnes, avec des suivis de manchots, gorfous et éléphants de mer à comparer avec des cartes de l'environnement marin.
- CEBC
Références :
- Della Penna, Alice, Silvia De Monte, Elodie Kestenare, Christophe Guinet, and Francesco d’Ovidio. "Quasi-planktonic behavior of foraging top marine predators." Scientific reports 5 (2015).
- Bon, Cecile, Alice Della Penna, Francesco d’Ovidio, John YP Arnould, Timothée Poupart, and Charles-André Bost. "Influence of oceanographic structures on foraging strategies: Macaroni penguins at Crozet Islands." Movement ecology 3, no. 1 (2015): 1.
- Della Penna, Alice, Philippe Koubbi, Cedric Cotté, Cecile Bon, Charles-André Bost and Francesco d’Ovidio, "Lagrangian analysis of multi-satellite data in support of open ocean Marine Protected Area design", Deep Sea Research II, in revision