La haute mer est parfois considérée comme un "désert". Mais on y observe en fait une grande variabilité de la répartition de la biomasse de phytoplancton associée aux tourbillons et aux fronts. De plus, un certain nombre d'espèces vivent dans ces écosystèmes de haute mer (ou "pélagiques"). Parmi ces espèces, on trouve notamment des prédateurs supérieurs comme les requins, les thons ou les marlins. La gestion des ressources halieutiques a donc besoin de modèles de chaîne alimentaire pour ces écosystèmes de haute mer. Pour les élaborer, il est fondamental de comprendre comment ces écosystèmes pélagiques interagissent avec les tourbillons et les méandres mésoéchelles et sont structurés par ces derniers. L'intégration des observations du comportement animal aux données d'océanographie physique mésoéchelle (c'est-à-dire les données altimétriques) est un moyen de mieux comprendre ce vaste écosystème.
Dans une étude récente menée par des océanographes du Laboratoire de physique appliquée (Université de Washington) et de la Woods Hole Oceanographic Institution, les déplacements de deux requins blancs matures ont été combinés à la variabilité océanographique mésoéchelle dans la région du Gulf Stream et de la mer des Sargasses. Les requins blancs ont été suivis à l'aide de balises Argos attachées à leurs nageoires dorsales. Comme cette espèce nage souvent à la surface, probablement pour se réchauffer, leurs positions peuvent être enregistrées directement et en temps réel par satellite. Ces positions sont d'une précision suffisante pour déterminer comment les requins utilisent les structures océaniques mésoéchelles. De plus, l'un des requins a été équipé d'une balise d'archivage qui enregistre des séries chronologiques à haute résolution de la température et de la profondeur. En combinant les données de position et de profondeur, les océanographes ont pu reconstruire le mouvement des requins dans les trois dimensions.
Les résultats montrent que les deux animaux de l'étude étaient plus fréquemment des tourbillons anticycloniques (même si, dans l'Atlantique Nord ils ne sont généralement pas considérés comme étant riches en nutriments). Dans ces anticyclones, on a observé que les requins faisaient des plongées régulières entre 200 et 1000 m (zone appelée "zone crépusculaire" ou "région mésopélagique") au moment du lever et du coucher du soleil. Les requins étaient également plus susceptibles d'être dans le centre que dans la périphérie des tourbillons anticycloniques (aucune préférence pour les tourbillons cycloniques). La température à l'intérieur des tourbillons anticycloniques est généralement plus chaude qu'à l'extérieur et peut mieux convenir au requin, en leur demandant moins d'énergie pour réguler leur température corporelle.
En utilisant les paramètres physiques environnementaux et le suivi des animaux, les scientifiques sont en mesure de mieux comprendre, et donc de mieux protéger, la vie marine, des petits organismes aux prédateurs supérieurs.
Voir aussi :
- Données : Atlas mésoéchelle global des trajectoires de tourbillons
- Applications : Circulation mésoéchelle
- Applications : Biologie
Autres sites sur ce thème :
- The (Sub)mesoscale Group at Applied Physics Laboratory
- système mondial de localisation et de collecte de données par satellite Argos
- OCEARCH
Références :
- Peter Gaube, Camrin D. Braun, Gareth L. Lawson, Dennis J. McGillicuddy Jr, Alice Della Penna, Gregory B. Skomal, Chris Fischer & Simon R. Thorrold, 2018: Mesoscale eddies influence the movements of mature female white sharks in the Gulf Stream and Sargasso Sea, doi.org/10.1038/s41598-018-25565-8