La neige tombe également sur la banquise. Ceci n'est pas anecdotique, car cela peut conduire à une surestimation de l'épaisseur de la glace de mer (d'environ 450 fois la quantité d'eau équivalente à six mois du débit de l'Amazone), d'une part. Et, d'autre part, la neige peut agir comme un isolant sur cette glace de mer, ralentissant sa fonte en été et sa croissance en hiver. Connaître son épaisseur est donc primordial. Jusque récemment, une climatologie issue de données in situ pour la plupart collectées avant que les impacts les plus significatifs du changement climatique aient pu être enregistrés (Warren-99) était utilisée.
Les différentes fréquences radar utilisées par les satellites altimétriques n'interagissent pas de la même manière avec la neige ou la glace. On estime que le signal en bande Ka (altimètre AltiKa à bord de Saral) se réfléchi près de la surface du manteau neigeux (à l'interface air/neige). La bande Ku (présente à bord de la plupart des satellites altimétriques) est supposée pénétrer au moins partiellement la neige. Elle peut donc atteindre l'interface neige/glace, selon le type de neige. La comparaison des mesures des deux fréquences fournit donc une estimation de l'épaisseur de neige qui couvre la glace de la banquise.
Aucun satellite n'a à ce jour embarqué un altimètre bi-fréquence avec ces deux bandes particulières, mais Saral mesure en même temps que CryoSat-2 depuis 2013. Les deux satellites peuvent donc être utilisés pour estimer l'épaisseur de neige. On calcule ainsi la hauteur et donc le volume de glace, à la fois sur l'océan Austral autour de l'Antarctique et sur l'océan Arctique. Pour les années précédant 2013, une climatologie mensuelle a été calculée à partir de la série 2013-2020 [Garnier et al., 2021].
Ces études utilisant deux fréquences, initiées par le le Legos et le Cnes en 2016 grâce à Saral [Guerreiro et al. 2016] ont conduit à la conception de nouveaux altimètres à double fréquence, dédiés aux pôles. Le projet européen Copernicus Cristal, en particulier, qui serait le premier à embarquer un altimètre avec un radar émettant à la fois en bandes Ka et Ku. Si cette mission est confirmée, elle permettra de mesurer simultanément les épaisseurs de neige et de glace. Ceci améliorera notablement les estimations des variations de volume liées au changement climatique global.
A contrario, si ce projet ne se confirme pas, et ce assez tôt pour prendre la relève de CryoSat-2 et de Saral, la surveillance de l'évolution de la banquise risque de connaître une période difficile (voir Polar scientists wary of impending satellite gap).
Voir aussi :
- Données : Produits altimétriques glace de mer du CTOH
- Missions : Saral, Cryosat-2
- Applications : Glaces de mer
Référence :
- Garnier, F., Fleury, S., Garric, G., Bouffard, J., Tsamados, M., Laforge, A., Bocquet, M., Fredensborg Hansen, R. M., and Rémy, F.: Advances in altimetric snow depth estimates using bi-frequency SARAL/CryoSat-2 Ka/Ku measurements, The Cryosphere Discuss. [preprint],https://doi.org/10.5194/tc-2021-79, in review, 2021.
- Guerreiro, K., S. Fleury, E. Zakharova, F. Rémy, A. Kouraev, 2016: Potential for estimation of snow depth on Arctic sea ice from CryoSat-2 and SARAL/AltiKa missions. Remote Sensing of Environment, Volume 186, 1 December 2016, Pages 339-349, https://doi.org/10.1016/j.rse.2016.07.013